J’aurais bien refait les voix, re-re-re-bidouillé ce son ou cette texture.
Tu sais, je pense faire le truc comme de la cuisine.
Je sale.
Poivre.
Je cuisson douce.
Je flammes hautes.
Coupe.
Tranche.
Cherche.
Ma réponse aux frigos vides et aux corps pleins.
Vient l’heure du service.
Le coup de feu.
L’état d’urgence.
T’as pas le choix, faut envoyer.
Je viens de visionner cette vidéo qui compile sans commentaires les violences policières commises place de la République le 29 novembre. La cloche vient de sonner et ses échos de couloir restent dans mon esprit. Les propagandes se pourchassent et s’entremêlent pour tisser cette brume permanente liant le vrai et le faux dans les catharsis de tel ou tel complot. Je suis ras de ces famines. Ces jours de jeune pour jeunesse de nuit peignent des cercles noirs autour des globes oculaires, voilà nos habits de guerre.
Quand tu essaies de poser la langue, tu t’aperçois que c’est un muscle. Ça courbature. Tu cours encore et encore pour sculpter de jolies petites fesses dans des poèmes d’albâtre. Tu compresses la voix, tu lisses la salive. Tu t’échines. Tu te débats. Ça reste gras, flasque, accroché à l’os. Tu doutes et ce doute devient ta seule certitude. Tu prétends faire poésie en sous-tendant le néant. Tu alignes des châteaux de sable sur les lignes de front des marées, tu convoques des princes et des princesses pour les habiter puis viennent des hordes d’écume. L’ordre des choses. La nature du chaos. Alors toujours, tu repars à zéro.
Il est des républiques qui n’ont pas la vocation du public. Des drapeaux sans peau. Des passions sans nation. Des oraisons sans cimetière. Des cimes entières sans raison. J’en suis.
Voilà, je suis un arbre.
Comme toi.
J’ai mal aux branches.
Comme toi.
L’hiver vient. Mes feuilles sont tombées.
Le fil
si les murs sont la loi
hors les murs hors la loi
murmurent les remparts
passe la muraille c’est le point de départ
dis-tout haut les empires
dis leurs à tous
qu’à tout perdre au pire
on a rien on a tout
les tiennes les siennes les miennes
rien qui ne tienne
maculés sans miracle
le problème de la solution
est dans la promesse des nouvelles religions
priapisme technologique
les concubines sont techniques
on nous avait promis
haut les cœurs martel en tête
et mon doigt pour les prophètes
s’ils connaissaient les larmes
elles seraient salées
comme l’océan qui ce matin t’as recraché
les phares se marrent
la mort est un passeport
qu’on ne peut refuser
aux essorés dont le sort
est de ne pas être nés
du bon côté ou sous les bombardiers
dans les selfies des salins ordinaires
un enfant sur la plage
étendu sur le fil d’actualité
s’égoutte de la vie
qui l’a quitté
tant de bouches rient
blizzard à trous
faut grillager les basses-cours
l’homme est une poule pour l’homme
rien de neuf en somme
sinon la somme
des décomptes à rebours
le doigt sur les mots
barbelés coutures
entre migrant et réfugié
les dictionnaires finissent par dire macchabées
plus pratique pour classer les dossiers
un enfant est étendu sur la plage
il est mien enfin celui de ce matin
t’as l’air malin avec ta poésie aux poings
une arme de pieds entre les mains
c’est grotesque absurde stérile
on dirait nos vies
balancées dans l’air
sans en avoir
on dirait nos vies
tu t’es acheté de belles chaussures
tu t’es fait l’ami des vendeurs de voiture
c’est pas que tu sois pas sincère
t’as laissé l’esprit au vestiaire
ta tête est toute cassée
à te tracasser
t’as bien envie de tout envoyer valser
à toujours valser
t’as bien envie de te tracasser
faudrait reprendre la route
comme te prennent les doutes
quand au passage des nouveaux lendemains
ils t’arrachent les mains
et allument avec elles des feux de pétrole
pour des causes dont on ignore les roses
mauvaise vie mauvais alcool
la vie navrante navigue à vue
elle crève de ne pas couler
elle est gaie la vérité
de notre majeur en l’air
disant majoritaire
le sentiment de plus de sentiment
l’émotion de la non émotion
une mer d’huile
pour des rafiots en simili bois suédois
agglomérés à la banlieue du troupeau
comme nous le sommes
passent les rites de chrome
ferment les portes
tournent les clés
maniaque vas-y
t’as la cadence d’un décalcomanie
pâle copie la vie comme manie
l’image de soi fait taire le ver
qu’on est bien chez soi
même quand on y est plus
faudrait qu’on rouvre les usines
pour que ça turbine
pour la joie tous ces chapelets d’appelés
qui disent Dieu pour nommer le vide
faudrait qu’on rouvre les usines
pour que ça turbine
pour l’acier pour les calines
que les enfants de la défense nous défendent
faudrait qu’on rouvre les usines
que ça turbine
pour pas que ça pense
pour que ça dépense
faudrait qu’on rouvre les usines
pour que ça turbine
que ça embrasse le ciel
quitte à en crever
n’en parlons plus
truque ta graisse
je retourne à la métèque
à la Métisse
aux parasites
aux parias
truque ta Grèce
je retourne à la métèque
à la Métisse
aux parasites
aux parias
je t’écris depuis la friche
ici l’esquisse esquive l’escarcelle
les fontaines sont claires
rincées de tout espoir
on y boit la nuit
pour en recracher les étoiles
je reprends le fil
je reprends mes fils
je reprends la vie
celle qui nous appartient
celles que tu as pris
je viens les chercher
renvoyez vos milices
renvoyez vos missiles
renvoyez vos missels
maintenant on connaît les ficelles
rappelez les imbéciles
les imbus rappelez vos chiens
cet enfant étendu sur la plage
il est nôtre.