trois minutes et leur sans suite

« Bonjour Benoit,
Nous avons une réunion de rédaction aujourd’hui où nous avons lu et examiné tous les sujets et les propositions de collaboration qui nous ont été proposés.
Nous avons besoin d’entendre votre voix, votre voix de radio et la façon dont vous racontez, dont votre voix trace sa voie.
Pourriez-vous nous envoyer un son de 3 minutes dans lequel vous racontez une histoire.
Racontez-nous cette histoire comme vous l’entendez, avec du son, des sons : voix, ambiances, sons seuls, musique.
Dans l’attente de votre retour.
Merci »

Voilà le point de départ l’histoire. J’ai contacté Box’sons, nouveau média sonore pour essayer de taffer un peu. Le message que vous venez de lire et ce qui m’a été demandé. Je publie ici ce qu’il en est ressorti. Comme ça, vous saurez tout. Pour connaitre la suite et ma réaction, descendez dans la page. Les textes qui ne sont pas en italiques sont ceux qui agrémentaient ma proposition. Pour les photos, c’est idem, elles étaient dans ma proposition.
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Dans un monde de certitudes, une seule me prévaut. J’ai des doutes. En voilà une belle.
Tout est question de choix, tout est toujours question de choix. À perdre les chemins, on gagne la friche. Chaque ortie a son histoire. Ailleurs se mesure en gain de poussière et en robe de lumière. Ailleurs, ici et maintenant. Il y a tant de voies, tant de possibilités pour mobiliser notre attention et nos énergies. Cette multiplicité, garante de notre liberté, en tient dans son ogresse réalité la limite et les barbelés. La liberté otage de son propre estomac. Il faut toujours faire des choix. Au micro, plus vite encore. Voilà trois minutes de boxon, de bazar, d’installation de la désinstallation. Voilà trois minutes, il y en a d’autres dans la journée. J’aurais bien pu faire un micro trottoir, ou une chanson, ou un silence – c’est beau un silence -, ou un cri, qui tue, ou de vérité, couvrir un évènement ou un non-évènement, chasser un son , sonoriser une chasse, j’aurais pu. On peut toujours.

Trois minutes
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Ces trois minutes sont restées sans réponse. J’ai alors fait le choix de la réplique, de la provocation dans les messages suivants. Sans effet.
En d’autres circonstances, on appellerait cela faire du pied. Un comble pour un poète. Si je choisis aujourd’hui de publier ces correspondances, c’est, qu’à mon sens, elles nous informent. Elles apparaissent dans une chronologie inversée. Pour les remettre dans l’ordre, descendez la page puis remontez.
Libre à vous de me pourrir dans les commentaires, de qualifier mon aigreur ou mon impatience ou de poursuivre votre chemin, je m’en fous. J’emmerde le silence.

Bonsoir Hervé,

je crois avoir utilisé quelques ritournelles et même quelques astuces. Pas suffisantes pour vous donner l’envie de pianoter et me répondre.

Au pire, je pense qu’un « allez-vous faire voir » prends trois secondes et un « vas te faire foutre » en prends deux.

J’ai écrit mon précédent mail pour tenter de vous faire réagir. Ce n’était, sans doute, pas très élégant, un peu hors code et, visiblement, non fonctionnel mais il fallait tenter.
Il me semble que vous êtes du côté de ceux qui tentent. Peut-être que je me trompe après tout et que cette illusion se réalisera dans votre silence.
Finalement, l’abstraction des frontières n’empêche en rien leurs murs.
Je le redis, les silences sont lourds et vides de responsabilités. Votre persistance à ne pas me répondre affirmerait les frontières de deux mondes. Croyez-vous à ces frontières ?
Je pense, pour ma part, que vous n’êtes pas là-dedans mais je commence à douter.
Savez-vous que dans mon exploration, le doute est une information ?
Une information, pas une actualité rapportée. Non, une véritable information.
INFORMATION : Ce qui signifie donner une forme, argumenter une ligne, tracer une géométrie…

Si votre silence est, il devient information. Il est exclusion et cette fin de non recevoir constitue l’information. Votre silence conditionne l’exclusion et si je dois rapporter mon expérience, je n’aurais que ces mails et les trois minutes que je vous ai fournies pour en narrer l’histoire.

Mes mails perdent en qualité. Ma langue s’épuise. Je ne reproduirai pas à l’infini. En tous cas, pas pour vos silences.
Je trouve légitime d’homme à homme, où de femme à femme, de vous demander une réponse. Vous n’en êtes pas l’obligé, c’est vrai mais, je dois, par honnêteté, vous dire que si vous ne répondez pas, je publierai les échanges que nous avons eu.
Car, dans l’entêtement de vos silences résident l’aveu d’un journalisme de classe voire de caste, d’un centralisme parisien et d’une pyramide de la parole où la technique et la technologie surpassent l’essence.

Vous avez raison de vous interroger : »pourquoi il me lâche pas celui-là ? »
Je peux vous répondre. Ou essayer.
Si j’avais contacté, X ou Y, le silence ne m’aurait ni importé, ni emporté. Hors, ce n’est pas le cas. Je n’ai pas contacté X ou Y. Je vous ai parlé à vous Hervé. Comme vous me l’avez demandé. Pensez-vous que ma voix puisse être l’inspiratrice du silence ? Pensez-vous qu’il y a un au-dessus et un en-dessous ? Pensez-vous qu’il y a des gens qu’on peut nier et d’autre pas ?

C’est bien la première fois que j’aligne des lignes pour réclamer un »vas-te faire foutre ». Je pense qu’on voit là le ridicule de la situation et que, comme moi, vous en êtes embarrassé. Entre deux jurys, un salon du livre ou une cake party de Box’sons, peut-être pourriez-vous trouver le temps futile de quelques mots. Un peu comme on dit bonjour aux nécessiteux à l’entrée de la boulangerie. C’est pas parce qu’ils demandent une pièce qu’on ne leur donnera pas qu’on doit leur enlever toute dignité. Un simple bonjour, c’est déjà beaucoup. Enfin, parfois.
D’une certaine manière, me voilà le mendiant du moment. Je vous tends la main pour obtenir quelques mots. Allez-vous continuer de regarder ailleurs ?

Je dois maintenant terminer ce message avec, comme cela se fait, une formule de politesse. Dans l’incongruité qui nous réunit, ou pas puisque je semble être seul dans ce dialogue, je n’en trouve pas.

Début du message réexpédié :

De: benoit mazzuchini
Objet: Rép : radiotonaume – HEY, 3 MINUTES…
Date: 31 mars 2017 17:44:31 UTC+2
À: Hervé Marchon

Bonjour Hervé,

Nous vivons une époque qui oblige.
Les périphériques doivent interroger et inspirer les milieux. Les obliger parfois. Comme la banlieue oblige Paris. C’est un aller retour avec, à chaque fois, un saut de couronne. Le luxe des rois en bandoulière des boulevards.

Chaque cercle a ses tangentes. Elles en sont les seules lignes de perspective, un horizon probable, seul échappatoire à l’hystérisation endémique des concentriques. Les ronds, ça ose tout.

Vous m’avez demandé 3 minutes. J’ai tenté de les produire rapidement. Peut-être trop, je souhaitais illustrer ma réactivité.
J’ai bien noté la cadence de votre agenda. Les réseaux me renseignent, je sais votre occupation. Néanmoins, dans nos précédents échanges, j’avais évoqué ces silences majoritaires et l’arbitraire qui en fait le poids.
Quitte à vous ennuyer, je vais vous faire part de quelques-une de mes considérations. Comme je vous l’ai dit, le réalisme nous impose et je pense, que la sensibilité ne vous étant pas étrangère, il est certains éclairages que votre écosystème dissout dans son urgence.

La première chose, par principe d’équivalence, aurait été que vous m’accordiez, à votre tour, 3 minutes pour me permettre, à minima, de progresser. C’est un détail mais il me touche. Votre abstention me met dans l’embarras, elle pose la question de la réclamation. Par conséquence, elle subordonne, suppose une logique de marché où vous seriez l’offre et je serais la demande. Sommes-nous égaux ? Je tente d’accorder un monde hors de ces barèmes. Sont-ils les vôtres ?
Bien entendu, je dois considérer votre emploi du temps et les délais qui en découlent. Mais, vous ne savez rien du mien et de ses conditions. Plus d’un mois ont passé depuis notre dernière échange, la fin de ma considération est courtoise.

La seconde est aussi votre prétention, s’intéresser aux gens. Les théories de la fabrication de l’information sont, sans doute, déclinables. Est-ce que ma voix, mon objet, mon sujet sont les mêmes si je suis ouvrier, rural, hipster, parisien, arabe, chauve, barbu, moustachu ? Vous aurez compris, j’arrête là la figure de style.
Je comprends qu’on puisse vouloir ne juger que la pièce. Mais, c’est un paradoxe quand on invoque une démarche au long cours.

Vous m’avez mis face au vide.
Trois minutes de radio sans politique éditoriale, c’est un vide.
Votre silence, c’est un vide.
J’ai pratiqué la radio. Je n’ignore pas l’absence de retours, qu’ils soient dans le casque ou dans le coeur. C’est toute la beauté de l’art radio. Un espace d’écoute autonome dans son quotidien, des oreilles sans voix. Entre nous, c’est un peu différent, nous conversions. Accepteriez-vous, hors des abstractions numériques, qu’un interlocuteur vous tourne le dos ? Je n’accepte pas.
Voilà, je crois m’être débarrassé de ce que l’on appelle l’affect, de ma prétention et de mon agacement. Je laisse maintenant tomber le vouvoiement et je commence à parler.

Hervé,
je peux pas t’expliquer ma démarche en trois minutes. Comme je peux pas te résumer ce que je suis, ni en radio, ni en quoi que ce soit. J’ai réagi à votre boxon parce que ça me parlait. J’ai entendu Pascale Clarke quand elle parlait de « sortir de l’hystérisation de l’information ». Je me suis dit : »Putain, mais c’est nous ça. Enfin… ». Puis y’ a eu Mehdi Meklat et encore Pascale : « à l’antenne tout n’a été que poésie ». La poésie, mon arme de pieds. Entre temps les trois minutes. Je me suis dit, ces connards, ils vont pas me répondre. Et vous n’avez pas répondu. Je peux entendre jusqu’à la nullité de mon propos. Le silence, je peux plus. Il me doit des raisons.
Soit, c’est à chier. Et ça prend dix secondes pour le dire.
Soit, c’est ailleurs. Ça prend un plus de temps pour le dire mais ça se dit.

Le silence est le mépris maladroit des aveuglements et des éblouissements concentriques. On y revient. Je te demande à mon tour trois minutes, à distribuer à ton choix. Soit pour me signifier mes échecs et les faiblesses de ma proposition. Soit pour un échange téléphonique qui me permettrait d’éclairer ma démarche.

Je le repose avec lourdeur et lassitude : sommes-nous égaux ?
Si oui, tu me dois trois minutes.

Portes-toi bien. Tiens-toi mal.
Besos

Le 15 févr. 2017 à 14:24, benoit mazzuchini a écrit :

J’ai enlevé le mot de passe, cela ne devrait plus poser de problème d’accès.

Le 15 févr. 2017 à 14:11, Hervé Marchon <hervemarchon@boxsons.fr> a écrit :

Merci Benoit,

Mais voilà que nous ne pouvons accéder au contenu. 403 forbidden You don’t have permission to access /le-cirque-des-mots/wp-login.php on this server.

Le 15 février 2017 à 01:59, BENOIT MAZZUCHINI a écrit :
Bonsoir Hervé,

Je me suis exécuté en tentant d’économiser le double sens de la formule.

Voilà donc une proposition d’histoire. Il y en a tant. Elle aurait pu être autrement formée et/ou fondée.
Si vous êtes intrigué, nous aurons peut-être l’occasion d’en parler de vive voix.

L’enregistrement, agrémenté de quelques photos et de quelques lignes, est disponible sur cette page : https://www.zabbalin.com/le-cirque-des-mots/trois-minutes/
Vous pourrez y entendre et/ou télécharger le son. La page est protégé par mot de passe. Le mot de passe est le suivant :

lesmotssontdespasses

Merci de me tenir informé de la réception de ce mail et de m’avertir si vous avez des problèmes pour accéder à la page.

Dans l’attente de votre retour.

Le 8 févr. 2017 à 15:28, Hervé Marchon a écrit :

Bonjour Benoit,

Nous avons une réunion de rédaction aujourd’hui où nous avons lu et examiné tous les sujets et les propositions de collaboration qui nous ont été proposés.

Nous avons besoin d’entendre votre voix, votre voix de radio et la façon dont vous racontez, dont votre voix trace sa voie.

Pourriez-vous nous envoyer un son de 3 minutes dans lequel vous racontez une histoire.
Racontez-nous cette histoire comme vous l’entendez, avec du son, des sons : voix, ambiances, sons seuls, musique.

Dans l’attente de votre retour.
Merci

Le 24 janvier 2017 à 13:37, Hervé Marchon a écrit :
Désolé pour le silence. Un « bien reçu » aurait été opportun. Car sur un silence on peut imaginer n’importe quoi, le pire souvent.
Il n’y a pas de dédain dans le nôtre, juste beaucoup trop de choses à faire.
Merci de votre compréhension (comme dirait le message SNCF).

Le 24 janvier 2017 à 11:55, BENOIT MAZZUCHINI a écrit :
Bonjour Hervé,

J’apprécie énormément que vous ayez pris un peu de votre temps pour cette sympathique réponse.
Ne m’en veuillez pas si je vous ai un peu pressé mais les silences sont majoritaires, ennuyeux et les réponses rares. Donc précieuses.
Je vous remercie pour ce truc humain, ce petit mot, que j’ai sollicité et que vous m’avez donné.

Bonne journée. À bientôt.

Ben aka Zabbalin

Le 24 janv. 2017 à 11:08, Hervé Marchon a écrit :

Bonjour Benoit,

Votre mail reçu il y a quelques jours à peine fait partie de nombreux autres auquel nous devons répondre.
Nous sommes, oui, très sollicités. Et notre planning est très coriace.
Patience.

A bientôt

Le 23 janvier 2017 à 21:51, BENOIT MAZZUCHINI a écrit :
Bonsoir Hervé,

Je serai curieux de savoir si vous avez eu mon précédent mail. Il y a plusieurs hypothèses :

– je suis passé dans vos spam
– votre planning, c’est un truc de ouf
– vous êtes TRÈS sollicité
– mon message était dénué d’intérêt

Dans tous les cas, je reste intéressé par l’accusé de réception. Enfin, beaucoup plus par votre réception que son accusé pour être tout à fait sincère.

Un petit signe, une petite réponse, un simple : « ok ». Genre j’ai bien reçu mais je m’en fous. Ou pas. Une réponse quoi. Un truc humain, à longueur de bras.

Merci.

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