I care

Résidence Artistes en Campagne – 77650 Savins
Expo du 16 au 24 juin 2012.

I CARE*

*  Je me soucie. Je fais attention.

" Minos a beau gouverner toute chose, il ne gouverne pas les airs, le 
ciel du moins reste ouvert " Ovide, Les métamorphoses (VIII, 186 et s.) 
" The answer, my friend, is blowin' in the wind " Bob Dylan, Blowin' in the wind.

 

Avant propos :

Comme celui du baiser maternel déposé sur le front d’une enfance inconsciente, comme celui d’avant l’orage et l’explosion, un souffle chaud et tendre interpelle la responsabilité d’un envol potentiel. Il s’agit de soi, de la vision intérieure que l’on s’en fait.

Sans autre choix que celui de sa nature, le paradoxe humain nie ses cages et gage ses nids. Asservissant les certitudes de son époque, il convoque ou annote les crises qu’il organise en tendant le ciel d’un avenir immédiat et noir pour y asseoir le Dieu qui, au jeu, se prêtera. I CARE propose au travers d’une vision intimiste, une interprétation personnelle et plastique de ces mécaniques du mythe.

 

 

Icare est chu ici, le jeune audacieux,
 Qui pour voler au Ciel eut assez de courage :
 Ici tomba son corps dégarni de plumage,
 Laissant tous braves cœurs de sa chute envieux.
 Ô bienheureux travail d'un esprit glorieux,
 Qui tire un si grand gain d'un si petit dommage !
 Ô bienheureux malheur, plein de tant d'avantage
 Qu'il rende le vaincu des ans victorieux !
 Un chemin si nouveau n'étonna sa jeunesse,
 Le pouvoir lui faillit, mais non la hardiesse ;
 Il eut, pour le brûler, des astres le plus beau.
 Il mourut poursuivant une haute aventure,
 Le ciel fut son désir, la mer sa sépulture :
 Est-il plus beau dessein, ou plus riche tombeau ? 
Philippe Desportes (1546-1606) - recueil Les amours d'Hipolyte

L’éblouissement

 

« … souvent les mineurs, pour se prévenir des coups de grisou descendaient au fond de la mine avec une cage enfermant un canari. Si ce dernier venait à périr, il était grand temps de remonter… »

 

cage silhouette

cage – fragments

cage silhouette 2

cage – fragments de miroir

Il faisait noir et nous avions froids. Le brouillard finissait d’engloutir les phares idéologiques qui s’éloignaient derrière nous pendant que nous franchissions le cap. Pénétrant les corridors électroniques, négriers de notre propre doute, nous frappions les tambours de la mémoire pour trouver dans l’illusion de la cadence le courage qui nous manquait. Nous allions nus, déplumés, le mot dérobé et l’encre diluée. Nous allions, dessinant l’empreinte de nos pas dans les cendres de nos illusions, aux temps nouveaux porter l’ombre de nos silhouettes.

cage charbon

coke – fil de cuivre

Comme nous traversions les carrières minérales, je comprenais que nos cages suspendues aux quatre vents étaient sans fonds, nous étions libres. Libres de choisir la méthode et la chronologie de notre propre chute. C’était donc cela notre réalité, un scénario déjà écrit dont seule la mise en scène semblait nous appartenir. Nous étions médiocres et le noir qui nous cernait le dissimuler aisément. Nous nous fondions dans le décor pour ne finir par n’être plus que le décor, le bruit de nos vies s’accordaient aux chants du mandarin et puisque depuis nos cages sans fond nous composions la rumeur du monde, il n’était pas nécessaire aux interrogations de soulever le poing.

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duvet d’oie – bourriche de pêcheur

Le serpent d’eau de nos pêchés oscillaient sous la surface comme nous le faisions dans l’espace infime qui réfugie le rai de lumière et le brin de poussière. Perdus dans le glucose des architectures blanches, d’un blanc qui tranchait les pénombres que nous traversions, nous étions un peu les deux à la fois. Entre la poussière et la lumière, attendant le vent nouveau qui déplacerait les immobiles, désespérant des comptables escomptant qui, à la faveur d’une crise ou d’une autre, finissaient, eux, toujours par prendre le vent. Envolés ou pendus.

A l’orage de la note, de la triple voyelle, nous avions encore des bribes d’alphabets, quelques consonnes, nous aurions pu nous parler. Dans le calcaire de nos vies, nous avions bâti l’œuf et fait la descendance. Devant ces coquilles désormais vides, nous contemplions nos fils et nos filles livrés comme nous l’avions été au noir destin d’une humanité qui s’en défait.

oeufs

cage – corps de thermos – coquilles d’œuf

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photos – dessin – bulbes de cafetière Cona

Nous gardions de la nuit ses plus belles images. L’attrape rêves qui aux premières lueurs du jour brûlaient les mauvaises rappelaient la piraterie qui fût la nôtre. Nous avions été indiens. Loin dans l’enfance. Mais nous l’avions été. Notre vie avait été plumes et vallées. Le renoncement qui avait poussé notre Grèce à ses parois portait à ses prémices le réalisme d’une émancipation. Il fallait être le verbe. Cours. Vole. Saute. Racle.

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cage – boule à facettes

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cage – corps de thermos

Puis, il fallait encore remplir les vides et faire la transparence. La masse comme boussole, la densité comme utopie, combien de multiples étaient à nos miroirs ? Combien de facettes dans une seule de nos vies ?

Si nous allions du nid au poing comme la vipère, c’était pour reptiles s’imaginant, frôler les mauvaises herbes et toucher de notre peau les volcans aphones de notre géologie intérieure. De cet échauffement, nous faisions charbon. La vie mineure. T’en souviens-tu ? Ta gueule noire, c’était la mienne. La mienne, c’était la tienne. Puis c’était nous et nous est devenu personne.

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plumes, duvet d’oie – filet de pêche

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plumes, duvet d’oie – filet de pêche

Une abeille est morte aujourd’hui. Lentement, accablée par sa propre pesanteur, incapable de reprendre l’envol qui était sien, sans que personne ne s’en soucie, une abeille est morte à mes pieds. Colosse aux pieds d’argile pour l’insecte dont je guettais le départ, je suis resté là à comprendre que sans toi, ma reine, sans la cire qui coule de ta vie, il me sera impossible de sortir du labyrinthe.

Pêcheurs plumassiers, plus soucieux du filet que du navire, donnez-moi une minute de silence dans l’algèbre de la chronologie, donnez-moi les secondes que vous taisez, les dixièmes de l’eau qui s’écoule, pour emprunter la métamorphose au pas de notre propre pesanteur. Alors nous saurons, si l’ébloui se ment, si l’envol doit être vertical ou avec élan.

élever

cage – laine d’acier – fil de coton

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